dimanche 10 avril 2011

C'est les vacances, on oublie tout

En haut de ce port breton, au bout d’une rue en pente, surnage un long bâtiment sous les arbres, un ancien foyer des jeunes, dont subsistent l’ossature du toit et quelques fragments de cloisons. Dès qu’il y a du vent, les cloisons tremblent sur elles-mêmes et résonnent. Il y a souvent du vent. La végétation vient s’entortiller autour des poutrelles métalliques. A l’intérieur de ce qui a longtemps dû servir de squat, des tags bavent sur les murs. Dehors, des volets de couleurs posés sur des maisons silencieuses descendent jusqu'à l'océan. 

En devanture du magasin d’antiquités, s’empile dans des casiers de bois une vaisselle bleue et blanche qui s’insèrerait à merveille dans un décor de scènes marines qu’aurait conçu un magazine de déco pour ses lecteurs avides d’esprit Atlantique et du charme fortifiant des mouettes qui te chient sur la tête. En guise d’accueil, un panneau annonce : “ici on vend l’Ouest journal”. C'est faux. Plus loin sur le port, on ne vend pas plus l’Ouest journal mais des cirés jaunes, bleu marine, des pulls super chers, mais “c’est du solide, c’est de la marque”. Les visiteurs achètent la marque, se glissent sous le jaune, le bleu marine ; les pêcheurs portent des pulls à col roulé de la Halle aux vêtements et des cirés verts foncés estampillés Casto. 

Le matin, des engins nettoient la plage, ramassent les algues vertes. Dans la baie voisine, un cheval est mort la semaine dernière, enlisé dans la vase, asphyxié en une minute par les vapeurs toxiques dégagées par les algues qui s'agrippent au sable. Évanoui, le cavalier a été extrait de la marée fluo par le conducteur d'un tractopelle qui passait par là. Il a survécu, va porter plainte. Le gouvernement s'est saisi du dossier. Sur un banc de pierre face à l’eau, alors que remontent des parasols les cris des vacances en famille, la main d’un vieil homme enlace une épaule familière. Ils en ont déjà beaucoup raconté, c’est depuis de longues années le moment de se taire.